Les évangiles des quenouilles

L’ordonnance de cestui livre mise en termes par dame Ysengrine, lendemain à heure assignée, je, fourny de mes agoubilles , me trouvay ou lieu assigné, ouquel estaient desj à assambléez les six dames, qui après moy attendoient.

Les Évangiles des quenouilles est un recueil de textes rédigés au milieu du XVe siècle par trois auteurs : Jean d’Arras, Antoine Duval et Fouquart de Cambray. Ces derniers auraient compilé des récits du folklore auprès de femmes issues de milieux populaires, probablement au cours de veillées nocturnes dans les campagnes.

Au XVIème siècle ce recueil a connu un très vif succès ce qui en fait encore aujourd’hui un élément essentiel de l’étude du folklore et de l’histoire médiévaux.

Ces textes sont présentés comme la mise en récit par un narrateur masculin des recettes et conseils pour la vie quotidienne de six vieilles femmes. Celles-ci se prénomment Dame Ysengrine du Glay, Dame Transeline du Coq, Dame Abonde du Four, Dame Sébile des Mares, Dame Gomberde la Faée et Dame Berthe de Corne.

Le recueil est divisé en six évangiles, ou six journées (du lundi au samedi), chacune de ces parties étant consacrée au récit de l’une de ces femmes. Ce recueil possède un grand intérêt pour étudier la place de la femme au XVe siècle. On comprend ainsi que la féminité peut-être porteuse de sagesse et de savoirs puisque les protagonistes y sont décrites comme de « sages doctoresses et inventeresses ». Cette conception populaire de la femme va donc à l’encontre des préceptes portés par l’Église dont le narrateur fait ironiquement allusion en écrivant que « étant donné que pour tout témoignage de vérité, il faut trois femmes pour deux hommes, pour être à égalité avec le nombre de quatre évangélistes, il fut convenu que six femmes seraient choisies pour accomplir cette œuvre afin d’avoir plus grande preuve de vérité ».

L’objectif de l’ouvrage est donc de proposer une autre vision du monde plus populaire que celle exposée par l’Église et davantage axée sur la parole féminine.

Parmi les éléments qui sont présentés dans ces évangiles, nombreux sont les recettes et conseils pour devenir riche, pour interpréter les événements du quotidien, écarter des maléfices, conserver l’amour de son mari, comprendre les proverbes, etc. Beaucoup de textes évoquent également l’infidélité et la violence masculines. Les autres récits ont pour thématique les animaux et les présages qui leur sont liés (par exemple, si l’on croise un lièvre lorsqu’on se met en chemin, c’est un très mauvais signe)…

A la lecture contemporaine de ce recueil, beaucoup d’éléments prêtent à sourire, notamment les recettes et conseils parfois très farfelus. Mais il nous est impossible de savoir s’il s’agit là de farces et de récits ironiques qu’ont voulu écrire les trois auteurs, si ce sont les femmes auprès desquelles ils ont compilé leurs textes qui se sont moquées d’eux ou si les évangiles présentés sont représentatifs des croyances et savoirs populaires de l’époque…

Sources

Arras Jean (d’), Duval Antoine et Cambray Fouquart (de), Les Évangiles des quenouilles, Nouvelle édition, Revue sur les éditions anciennes et les manuscrits, Avec préface, glossaire et table analytique, Paris, P. Jannet, 1855.

Dhennin Matthieu, « Les évangiles des quenouilles », Autour des romans [en ligne], 2013. URL :

http://www.dhennin.com/matthieu/autourdes romans/index.php/post/Lesévangiles-des- quenouilles.

Paupert Anne Les Fileuses et le clerc: une étude des Évangiles des quenouilles. Paris, Champion, 1990.

Iconographie

Ovide, Métamorphoses (1385 env.), Bibliothèque municipale de Lyon, Ms.742, f°54, « Filles de Minyas filant la laine ».