
La chevelure est considérée au Moyen âge, comme l’un des attributs de l’érotisme féminin. En effet, l’Eglise associe depuis Saint-Paul, les cheveux lâchés à la luxure (1ère épître aux Corinthiens, chapitre 11) : « En vertu des préceptes des bien heureux Pierre et Paul, dans les églises, que les femmes soient voilées.[…], pour éviter que l’âme des hommes ne soit prise au filet de leur chevelure dénouée. (Moine Honorius Augustodunensis, XIIème siècle, PL 172, col. 589). Par convention, les femmes couvrent donc leurs cheveux lorsqu’elles sont à l’extérieur.
Et ce meismes tesmoigne assez meismement saint Pol, qui dit que cheveux est le parement des femmes.
(CHR.PIZ.,Trois vertus W.H.,c.1405,160).
Bien se coiffer
Les cheveux, portés longs, sont retenus. Ils doivent mettre en valeur un front haut. Celui-ci peut être épilé à l’aide d’une pince ou d’une sorte de crème d’épilatoire afin d’accentuer l’effet. « Les dames de Salerne font un onguent
qu’elles appellent « silotre », au moyen duquel elles font disparaître les poils et les cheveux, où que ce soit ». (L’Ornement des Dames, XIIIème siècle).
Au vu de l’iconographie, la tresse est la coiffure privilégiée. Elle est considérée comme un attribut féminin, un outil de séduction. C’est aussi une démonstration de sa lubricité. Dans le fabliau Les Tresses de Garin (XIIIème siècle), le mari trompé veut castrer symboliquement sa femme en lui coupant les tresses : « Si li a coupee la treces, Dont el a au cuer grant destrece » (v. 227-228).
Les franciscains Berthold de Ratisbonne (XIIIème siècle) et Jacques de la Marche (XIVème siècle) condamnent ainsi fermement celles qui nouent ou tressent leurs cheveux. Les tresses sont relevées et fixées en haut de la tête à l’aide d’épingles ou de cordons. Elles peuvent également former deux boucles encadrant le visage puis remontant au-dessus du front.
Un autre type de coiffure consiste à relever les cheveux derrière la tête en deux grosses mèches formant un bourrelet au niveau de l’oreille.
Plus rarement, les cheveux peuvent être retenus par un cordon noué en une simple queue de cheval.

Les cheveux peuvent être relevés de la même manière mais sans tressage. Des rubans permettent alors à la fois de nouer les cheveux et de décorer la coiffure.
Plus rarement, les cheveux peuvent être retenus par un cordon noué en une simple queue de cheval.
Malgré les interdits de l’Eglise, certaines femmes complexifient encore leur coiffure en créant deux cornes visibles sous leur coiffe : « L’evesque […] dist que les femmes qui estoient ainsy cornues et branchues ressamblent les limas cornus et les licornes, et que elles faisoient les cornes aux hommes cours vestus […]. » La Tour Landry, op.cit., XLVII, p. 98- 99.

Les cheveux courts sont proscrits car ils risquent de porter une confusion de genre : « sans pudeur, dress[e] un visage d’eunuque » (Jérôme, Epistulae, op. cit., 27, p. 139).
Comment rendre les cheveux longs. Le franciscain Nicole Bozon (XIVème siècle) indique deux méthodes à ce sujet : la teinture de noisettes et de vin contre la chute des cheveux et l’urine d’âne pour la pousse.






Prendre soin de ses cheveux
Selon le chirurgien Henri de Mondeville (début du XIVème siècle), les cheveux sont nécessaires car ils protègent le cerveau des agressions extérieures, permettent l’évaporation des fumées produites à l’intérieur du corps et créent un embellissement de l’être. Il est donc nécessaire d’y prêter une attention particulière. Cela doit se faire après les soins des parties sexuelles, des seins et des aisselles et avant le visage, le cou et les mains. Dans le Catholica magistri Salerni (XIIème siècle), le premier chapitre des soins et expliquent, entre autres,
Environ une fois par semaine, les cheveux sont lavés au savon (lessive), à l’urine ou encore avec un mélange d’eau et de jaunes d’œuf : « et renouveller souvent et laver le chief de l’orine propre ou de lessive faite de cendre de
claveleure (potasse)» (GORDON, Prat., c.1450-1500, II, 8).
Les pellicules peuvent être éliminées à l’aide de jus de bettes, d’huile de rose ou de miel : « Et se noirdeur venoit es pellicules [de la tête] pour la force des medicines, soit mondiffié avec miel et oly rosarum ». (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.2, chap.1). Afin de supprimer les poux, la femme peut également laver sa chevelure avec du vinaigre puis la frictionner avec de la menthe, du genêt ou de la farine de lupins cuite dans du vinaigre. Une brosse de crins ou de plumes (le houssoir ou verge a nectoier) peut permettre d’épousseter la chevelure et supprimer la vermine. L’épouillage est essentiellement pratiqué par les femmes.
Les cheveux sont ensuite démêlés à l’aide d’un peigne. Celui-ci possède
généralement deux côtés de denture, l’une étant plus espacée que l’autre.
Un outil ressemblant à un pic, appelé gravoir, aide à tracer des raies ou
séparer les mèches : « …ung mireoir et II granoirs [l. gravoirs] d’ivoire »
(Comptes Lille L., t.1, 1425-1426, 233).
La teinture est parfois pratiquée. « Qui de vous peut rendre un seul cheveu blanc ou noir? » (Matt, V, 36) Eh bien ! ces femmes donnent un démenti à Dieu. Voyez, s’écrient-elles, comme de blanche ou de noire qu’elle était, notre chevelure est devenue blonde sous nos mains, afin que nous ayons meilleure grâce » (Tertullien, op. cit., II, VI, col. 1322).
Plusieurs recettes sont proposées dans Le Canon medicinae d’Avicenne (Xème siècle), L’Ornement des Dames (XIIIème siècle) ou Chirurgie de Mondeville (XIVème siècle) pour teindre les cheveux en blond (à partir de cumin, safran, genêts…), en roux (avec de la garance, du sang-dragon ou de la lie de vin) ou en brun (à partir de noix de galles, de brou de noix ou d’acacia…) : « Ou bien on prend des fleurs de
Noix ou l’écorce extérieure du fruit qui est très amère; on la broie avec la fleur du Chardon susdit; on mouille les cheveux de ce suc et on les enveloppe et les frotte avec un linge imbibé de ce même liquide; les cheveux deviendront safran, de quelque couleur qu’ils fussent auparavant, blancs, noirs, etc., et la couleur ne disparaîtra pas à moins qu’on les lave ou que le
patient transpire. Mais il importe de renouveler la teinture de temps en temps à la racine des cheveux. » (Henri de Mondeville). Les éléments colorants sont souvent additionnés d’un fixateur minéral : l’alun :
Afin de terminer la coiffure, il est possible de parfumer les cheveux en y plaçant, « du musc, de la girofle, de la noix de muscade, du cardamome, de la galanga… » (Henri de Mondeville).

La coiffure : un artifice
Par extension, à partir du XIIIème siècle, les représentations de femmes se peignant et se mirant deviennent les archétypes de la vanité et de la luxure. La coiffure est alors considérée par les religieux comme un artifice allant à
l’encontre de la création divine : « Que servent à votre salut ces fatigues et ces soucis pour orner votre tête? Quoi ! Pas une heure de repos à votre chevelure […], (Tertullien, op. cit., II, VII, col.1323.)
Si le cheveu lâché est généralement mal considéré car il est perçut comme impudique, les coiffures complexes seraient donc à proscrire également.
Celles-ci peuvent prendre plusieurs formes. Il s’agit d’une manière extravagante d’arranger ses cheveux laissés visibles ou, au contraire, de les
camoufler sous des coiffes imposantes (à cornes, hennin…).Un filet pouvant être orné de perles et de pierreries aide parfois au maintient
de la coiffure.
Afin de construire ces coiffures, en vogue à la fin du Moyen âge, il est possible d’ajouter des postiches (« cheveux morts ») : « Levez les yeux vers la tête : c’est là que se voient les insignes de l’enfer. Ce sont des cornes, ce sont des cheveux morts, ce sont des figures du diable » (G. d’Orléans, ms. lat. 16481, n° 96).
Ceux-ci sont décriés par l’Eglise puisqu’ils sont contre-nature et artificiels (donc diaboliques) : « Les coquettes de cette espèce sont comme Janus qui, d’un côté, a l’aspect d’un vieillard, de l’autre celui d’un jeune homme. Leur tête est ornée d’une tresse de cheveux postiches, voire de cheveux de cadavres, enveloppés dans l’or ou la soie. » (E. de Bourbon, Paris, BnF, ms. Lat. 15970, f°349 XIIIème siècle).
Des ornementations peuvent venir s’ajouter à la coiffure (perles, pierreries, épingles, filet orné…). Le catéchète Tertullien (IIème siècle) les considère comme un « crime de prostitution ».


Sources
CONNOCHIE-BOURGNE, Chantal (dir.). La chevelure dans la littérature et l’art du Moyen Âge. Nouvelle édition [en ligne]. Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 2004 (généré le 20 janvier 2018). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782821836990. DOI : 10.4000/books.pup.4184
AUTEURS COLLECTIFS, Le Bain et le Miroir, Catalogue d’exposition, Musée de Cluny & Musée national de la renaissance d’Ecouen, Ed. Gallimard, 2009.
MOULINIER-BROGI, Laurence, « Esthétique et soins du corps dans les traités médicaux latins à la fin du Moyen Âge », Médiévales [En ligne], 46 | printemps 2004, mis en ligne le 29 mai 2006, consulté le 03 novembre 2015. URL : http://medievales.revues.org/869
DE MONDEVILLE, Henri, Chirurgie (traduction en français moderne d’E. Nicaise en 1893), Ancienne librairie Germer Baillere et Cie, 1306-20, www.gallica.bnf.fr
CLOSSON Monique, Propre comme au Moyen-Age, Historama n°40, juin 1987, consulté en ligne le 21 janvier 2018.
ALEXANDRE-BIDON, Danièle, « les principes de l’hygiène au Moyen-âge », Histoire et Images Médiévales, (PDF), août-septembre 2009Iconographie
Sirène se mirant, Bréviaire à l’usage de Besançon. Rouen, avant 1498.
Le triomphe de Minerve, par Francesco del Cossa, 1470.
Détail d’une enluminure présentant une césarienne, BnF, 15ème siècle.
Buste de femme en bois peint, début des années 1500, Cleveland Museum of Art.
Horae ad usum Parisiensem Heures de René d’Anjou roi de Sicile 1434 1480 Gallica.
Détail d’un tableau italien, 1470, Gamurra.
Triptique des sept sacrements, Rogier van der Weyden, 1440- 1445, Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers.
Kriegstechnik, Haut-Rhin, vers 1420-1440 Ms. Rh. hist. 33b Folio 55r
Une femme éliminant les pous de la tête d’un garçon, De Hortus Sanitatis, 1491.
Gravoir en ivoire, 14ème siècle, Musée de Clun
Statue en bois de Sainte Marie-Madeleine, vers 1500. Paris, musée de Cluny – musée national du Moyen-âgeFilet à cheveux. 14ème siècle C. Musée de Londres