La prostitution au cours du Moyen Age

La prostitution est à la ville ce que sont les latrines au château.

Paroles de Saint Augustin face à la prostitution

Bien que cette activité soit marginale et déshonnête, la prostitution est un phénomène de sécurité publique et donne satisfaction aux pulsions les plus enfouies.

Comme certains le disent, la prostitution est un mal nécessaire. Les prostituées ont une responsabilité sociale : défendre l’honneur des femmes « d’estat » (femme de vertu) et lutter contre l’adultère. Le prostibulum peut être alors considéré comme une institution de paix où les jeunes tempèrent leur agressivité.

Mais dès XVI°, la prostitution est mal vue. Cela est dû en partie par le Réforme : les étuves sont fermées, les concubines des prêtres et filles secrètes sont bannies : la prostitution devient honteuse.

De la prohibition à l’institutionnalisation

Saint Louis : de la prohibition à la tolérance.

Dès 1254, Saint Louis édita plusieurs ordonnances contre la prostitution, le jeu, le blasphème, l’injustice et usure. Ce fut une vaste action de pénitence visant à la purification. Mais le roi est souvent absent et ses règles ne sont pas respectées. D’autre part, lors des croisades, il prend conscience de l’importance des prostituées qui encouragent les troupes à la guerre.

Lors de la huitième croisade, les livres de comptes royaux font état de 13000 prostituées à payer…
A cette époque, la prostituée est intégrée à la société mais elle était marginale dans le sens où elle ne pouvait pas fonder un foyer. Selon les mœurs de l’époque, la prostitution est pour le bien commun. C’est une nécessité sociale mais nul besoin de pousser les femmes au mal : elles sont fornicatrices, luxurieuse et insatiable par nature. La prostituée est victime de la misère et de la faiblesse humaine.

Mi XIV : institutionnalisation de la prostitution

La prostitution publique est légale, la prostitution dans les étuves, hôtels et tavernes est tolérée et la prostitution en chambre (bordelage privé) est admise. Au XV°, les interdits relatifs au temps de travail diminuent, et la prostituée (célibataire ou mariée) fait partie de l’espace civique.

A cette époque, la population diminue, une nouvelle vision voit alors le jour : l’exaltation de Nature devait contribuer à la régénération des mœurs. L’éducation des fils changent : l’exaltation du mariage comme

fondement de la vie active. L’Eglise encourage au mariage pour la procréation. Ainsi, il faut écarter les dangers qui menacent l’espèce : les crimes contre Nature

L’Eglise va légitimer le plaisir sexuel dans le mariage pour détourner les hommes des pratiques contre Nature et favoriser la procréation. Il est alors reconnu que l’éjaculation est un acte sain, indispensable au bon équilibre physiologique. C’est reconnaître tacitement que la fornication des célibataires est inévitable mais nécessaire.

En même temps, il est demandé d’autoriser le mariage des prêtres car ils seraient incapables de respecter le vœu de continence. Mais Eglise pas d’accord. Elle condamne le mariage, de concubinage des prêtres ainsi que les pratiques contre Nature. Cependant,

consciente du risque, elle admet implicitement la fornication des clercs avec les prostituées publiques.

Milieu du XV° : Nature triomphante

Les parents incitent leur fils à fornique. Les jeunes hommes recevaient autorisation de fréquenter les prostibulum. La fornication est considérée comme un péché véniel.

Les différents niveaux de la prostitution

Prostibulum publicum : la seule légale

Elle se déroule dans des établissements construits et entretenus par les autorités publiques de la ville. L’établissement est tenu par une abbesse ou un tenancier qui paye un bail aux autorités. Les filles sortent pour racoler, festoient au rez-de-chaussée avant de s’ébattre dans les chambres à l’étage. Les filles travaillant dans le prostibulum publicum sont appelées fillettes publiques, clostrières ou meretrice.

Elles se doivent de respecter le règlement.

Des officiers de la ville se chargent de le faire respecter et d’enregistrer les filles. Il convient de noter que le règlement change selon les villes et les autorités (laïques ou religieuses). Voici cependant quelques exemples récurrents de règles :

  • Prêter serments aux autorités
  • Payer le loyer toutes les semaines à la maîtresse
  • Participer aux dépenses de chauffage
  • Verser quelques blancs (monnaie) au guet de nuit qui les protège
  • Repousser les fils trop jeunes et hommes mariés. L’abbesse doit y veiller sous peine d’amende mais il règne une grande tolérance…
  • Ne pas coucher à 2 avec 1 compagnon (mais peuvent coucher avec plusieurs s’ils ne sont pas parents)

Intégrée dans la société, la prostitution doit donc respecter les interdits liturgiques.

  • Pas d’ébats pendant les fêtes de Pâques et Noël : les baux vont d’ailleurs dans ce sens. Ils sont signés Carême entrant pour que le prostibulum ouvre carême sortant. Mais au fil des siècles, cet interdit est de moins en moins respecté
  • A l’origine, ces maisons étaient fermées la nuit et le dimanche, comme le stipule le « code du travail » médiéval. Mais c’est à ce moment que les prostibulum sont le plus fréquenté. Donc travail de nuit et travail du dimanche peu à peu toléré
  • Au XV°, le seul interdit qui subsiste : les ébattements durant la messe dominicale et durant la semaine sainte

Les étuves

Ce ne sont pas proprement dit des lieux de prostitution. D’ailleurs, il existe un décret l’interdisant. Pourtant, la fornication tient une place très importante, à l’abri des regards. Comme les hommes mariés ne peuvent pas s’ébattent au prostibulum, ils profitent de la tolérance des étuves. Il s’agit d’une prostitution non institutionnalisée.

Les petits bordelages

Ce sont des établissements privés, des hôtels où les

filles travaillent à l’occasion. Le racolage est nécessaire mais dangereux. L’établissement est tenu par une maquerelle, femme souvent mariée. Cela lui permet d’arrondir les fins de mois. Elle peut être une entremetteuse de rendez-vous galants, peut fournir des jeunes aux plus nobles.

Elles recueillent les victimes d’agression et devient des confidentes.

Les filles légères « prostitution libérale »

Ces filles travaillent pour leur propre compte, elles vont d’hôtel en hôtel ou possèdent leur propre chambre.

Ces femmes deviennent petit à petit des courtisanes : prostituée de luxe, maîtresse de riches marchands ou notables. Les courtisanes deviennent réellement importantes à la fin du XV°

Ordre logique dans l’évolution du « mestier » :

Il arrive que des jeunes filles tombent dans la prostitution dès 15ans, mais c’est le plus souvent vers 17ans qu’elles commencent à vendre leurs charmes. Ce sont alors des femmes secrètes.

Aux environs de 20 ans, certaines travaillent comme chambrière dans les étuves où la prostitution est tacite mais bien réelle. Puis devenant trop âgées pour les clients, elles deviennent locataire du prostibulum.

La fin de « carrière » est estimée autour de la trentaine, mais aucune source ne permet d’affirmer cet âge.

Dès lors plusieurs choix de vie s’offrent à elles : Devenir à leur tour tenancière ou prendre retraite dans les fondations Sainte Marie Madeleine. Le plus souvent, c’est le mariage qui les fait sortir de leur condition. En effet, épouser une fille de joie est considéré comme une œuvre pieuse par l’Eglise.

Les risques du métier : l’engrossement

Elle continue à travailler, car les clercs n’estiment pas que les coïts avec « femme grosse » soit un pêché.

Curieusement, les prostituées enceintes sont assez rares. En tout cas, cela est peu évoqué. Il est d’ailleurs vraisemblable qu’elles cherchent à cacher au maximum une grossesse ou qu’elles n’en soient pas conscientes. Selon les mœurs de l’époque, les meretrices sont peu fécondes ; car maléfique.

L’avortement est licite pour la prostituée. Mais si elle tombe enceinte, 2 solutions sont possibles : soit elle se marie et élève son enfant, soit elle l’abandonne l’enfant dans un hôpital ou en tant qu’oblat. Rares sont les femmes qui peuvent continuer la prostitution en élevant un enfant.

Les Causes de la prostitution

La principale cause de la prostitution est la marginalité. Ces femmes, exclues de la société, n’ont plus d’autres choix que de se prostituer afin de subvenir à leur besoin. Cependant, l’exclusion de ses femmes résulte de facteurs aussi nombreux que divers.

La plus courante : les violences sexuelles

Le terme « viol » n’apparaît qu’au XVIII° siècle. Avant on parle d’efforcement ou de défloration si le viol a lieu sur une femme vierge.

Le viol est très courant à l’époque médiévale, cependant peu de plaintes sont à noter : peur des représailles, honte sur la famille…Ces viols sont le fait des jeunes hommes. En bande, ces jeunes citadins « chassent la garce ». On les appelle les « hommes joyeux ».

Les femmes victimes de ses viols sont rarement des fillettes car l’homme sera réprimé très sévèrement, ni des femmes de milieu aisée car cela peut être parfois considéré comme un crime.

Le plus souvent, les victimes sont des femmes célibataires, des veuves ou des épouses délaissées, des femmes qualifiées de déshonnêtes car elles n’ont plus de maris. Seul le statut d’épouse ou de mère est valorisé et reconnu. Ces femmes sont souvent issues de milieux démunis, servante ou épouse d’ouvrier car la sanction sera faible voire inexistante.

Par conséquence, La femme est diffamée par le viol, elle y perd son honneur (la Fame Publica). Ainsi, une femme célibataire aura des difficultés à trouver un époux et une femme sera vraisemblablement abandonnée par son mari.

La clientèle du prostibulum

Conformément au règlement, seuls les jeunes hommes non mariés peuvent entrés au prostibulum. Ces jeunes hommes sont des gens de la ville ou de passage. En effet, les prostibulum s’établissent surtout dans les filles de foire. Il existe d’ailleurs des prostibulum ambulant qui se déplacent en fonction des foires et s’installent sous autorité de la ville.

Dans le prostibulum, la clientèle est stable et souvent locale, et réglementaire car les sanctions peuvent être lourdes. Selon les mœurs de l’époque, il n’y a aucun mépris envers le jeune fornicateur. Les jeunes ne se sentent pas en faute : C’est Nature qui les pousse à prendre leur plaisir. « La fornication étaient pour les jeunes une coutume » : le but tacite est enseignements du sexe aux hommes.

Dans les étuves, ce sont les hommes mariés, ou clercs que l’on retrouve. Ils ont moins de risque d ‘être découverts. Ce lieu, plus ambiguë, n’est pas soumis à la visite du guet (mais plus cher).

Sources

Jacques ROSSIAUD, la prostitution Médiévale, édition Flammarion 1988

Brigitte ROCHELANDET, Histoire de la prostitution du Moyen Age au XX° siècle, édition Cabédita 2007

Iconographie

Manuscrit de Valerius Maximus.

The Romance of Alexander, 1338-1344