Le poil

Le poil est un élément ambivalent du corps ; signé de respectabilité ou de bestialité. Il est aussi la sexualité et l’érotisme. Cela dépend aussi du type de poil dont il est question.

La place singulière du poil

Il est le seul élément du corps qui peut être modifié (jusqu’à la mise en place de la chirurgie esthétique) : on le coupe, il repousse et ne meurt pas une fois coupé.

Le cheveu et la barbe selon la Bible

A partir des textes bibliques, L’Eglise a fréquemment épilogué sur la barbe et les cheveux, leur forme, leur place et surtout leur représentation.

La barbe, une symbolique ambivalente

Jusqu’au X° siècle, la barbe est une marque de virilité et signe de grandeur (Charlemagne). La couper est une preuve de déshonneur. Tirer sur la barbe est vu comme un acte d’une extrême gravité qui peut entrainer au duel à mort. Mais après le schisme de 1054, la barbe devient un signe d’opposition entre la chrétienté d’orient velue et celle d’occident glabre

Aux yeux de l’Eglise de Rome, il s’agit d’une marque de paganisme, de sauvagerie, aussi la barbe tend à se raccourcir au fil des siècles. Selon Barthélémy l’Anglais, dans le livre des propriétés des choses, la barbe est signe de force et de chaleur mais elle se doit d’être courte et naissante.

A l’exception de quelques états d’Italie, l’homme évitera de porter la barbe symbole d’animalité et du mal.

Une longue chevelure à voiler

Dans le nouveau testament, l’apôtre Paul établit que «Les hommes doivent prier la tête découverte et les femmes la tête couverte ; l’homme doit couper ses cheveux et la femme les laisser croitre » (1 Cor 11, 13-15), d’où l’interprétation que la femme chrétienne doit cacher sa chevelure.

Longs et dénoués, ils sont le signe de la sexualité dans l’intimité. Ils sont un marqueur social, et le fait de les couper un déshonneur.

Au XV° siècle, la femme sera belle avec de longs cheveux blonds. Mais elle devra les couvrir en public pour cacher la tentation. La mode est au front apparent et les femmes se devaient de le dégager en l’épilant. Un onguent base de sulfure naturel d’arsenic et de chaux vive pouvaient être appliqué, à défaut une simple pince à épiler pouvait convenir. .

Le poil dans l’iconographie

Le jeune homme est représenté imberbe, l’homme âgé est représenté barbu, symbolisant la sagesse acquise par le nombre des années.

Le nu n’est pas vulgaire s’il est représenté sans poil pubien. La femme glabre n’est pas une représentation sexuelle.

Le sexe glabre découvert dans le monde musulman

Les préceptes du prophète Mahomet en matière de pilosité permettaient surtout de distinguer les musulmans des autres croyances : Pas de cheveux pendant le long des oreilles, pas de moustache. L’épilation des aisselles et des poils pubiens permettait la pureté demandée par le prophète. Les poils sont vus comme sales et impurs et on voit le mal se cacher en eux. C’est aussi un point de vue hygiénique qui valorise l’épilation : la chaleur, le manque d’eau ne facilitant pas la toilette de ces zones.

L’épilation du pubis fut découverte par les croisés lors de leur installation en Terre Sainte. On la qualifie d’ailleurs d’Orientale. Au XII° siècle, un seigneur franc fut initié aux délices du Hammam et à la pratique de l’épilation. Le seigneur l’ayant apprécié le proposa à sa femme.

L’épilation

Dans les étuves, les barbiers-étuvistes proposent de faire « le poil proprement » (Le confident des Dame, Beaupré et Guerrand, 1997), ils pratiquent l’épilation du pubis. Verville raconte que la femme d’un avocat parisien, partie aux étuves avec trop peu d’écus, en revient avec seulement la moitié du pubis épilé. Notons les termes que l’auteur emploie) :
« Et advint que comme elle fut retournée et couchée avec son mari, ainsi qu’il la mignotait et prenait son jouet, il n’y trouvait du poil que d’un seul côté. ‘’Ho, ma mie, comment ? On ne t’a pas bien servi. Ton cas est entre deux âges, il n’y a de la barbe que d’un côté’’. ‘’Mon amie, dit-elle, on ne m’a fait de la besogne que pour mon argent.’’ Cette remontrance fut occasion qu’elle eut le lendemain un demi-écu pour se faire rajeunir l’autre côté » (Verville, Moyen de parvenir, non daté).

Certains manuscrits évoquent des méthodes d’épilation. On retrouve par exemple l’ornement des Dames (De ornatus Mulerum) de Trotula de Salerme), au XI° siècle

Epilation à la chaux vive : »Elles mettent une demi-écuelle chaux dans un récipient plein d’eau bouillante et remuent le mélange. Quand elles veulent savoir s’il est bien à point, elles y mettent une aile d’oiseau, et si les plumes tombent de l’aile, c’est qu’il est bien à point.
Alors elles l’étendent avec leur main, tout chaud, sur les poils, puis l’essuient. Vous pouvez procéder de même, mais gardez-vous de laisser l’onguent trop longtemps, car il écorcherait la peau.

Autre méthode : prenez cinq parties de colophane et une de cire et faites-les fondre dans un pot de terre, étalez ensuite sur un morceau de toile de lin et, dès que vous pouvez le supporter, appliquer sur les poils. »

Sources

Marie France AUZEPI et Joël CORNETTE, Histoire du Poil, Editon belin, 2011

Michel PASTOUREUX, une histoire Symbolique du Moyen-Age, Edition LE SEUIL, 2004

Florent VENIEL, La sexualité au Moyen Age, Edition LA Muse, 2008

Jean DA SILVA, Du velu au lisse, une histoire de l’épilation intime, Edition Complexe, 2009


Iconographie

Faits et dits mémorables XV° Manuscrit de Valerius Maximus.

Musée des Beaux-arts, Leipzig, XV°